« Chrysalide », la mue badine

Louis Arlette se révèle pleinement comme auteur-compositeur-interprète avec son nouvel album aussi lettré que déluré.

Jérôme Provençal  • 29 janvier 2024 abonné·es
« Chrysalide », la mue badine
Louis Arlette semble s’épanouir totalement comme auteur-compositeur-interprète au fil de neuf superbes morceaux lettrés et délurés, épurés et inspirés.
© Laura Gill

Chrysalide / Louis Arlette / Le Bruit blanc – Kuroneko.

Encore jeune, dans la trentaine, Louis Arlette – au nom pourtant empreint d’une coloration un rien désuète – peut déjà se targuer d’un long et riche parcours dans le milieu de la musique. Ayant joué du violon classique dans des orchestres après le conservatoire, il a surtout développé une passion dévorante pour le son, les synthés et les machines. Devenu ingénieur du son et producteur-réalisateur musical aux abords de la vingtaine, il a créé son propre studio (Le Bruit blanc) et enchaîné les collaborations, notamment avec le duo Air.

D’abord à la tête d’un groupe (After Snowfalls) puis en solo sous son nom, le garçon a donné forme en parallèle à son propre univers musical. Gravitant entre chanson française, rock, pop et électro, ses trois premiers albums solos – Sourire carnivore (2018), Des ruines et des poèmes (2019) et Arbre de vie (2021) – laissent affleurer une certaine singularité, en particulier au niveau des paroles, mais pâtissent d’un chant souvent grandiloquent et d’un habillage sonore trop clinquant.

Il s’affirme, loin d’un barde bidon, un drôlement doué dandy badin.

Une mue tout à fait bienvenue s’est amorcée avec l’EP Sacrilèges (2023). Louis Arlette y exprime son amour fervent de la littérature française à travers la mise en musique et en voix de cinq poèmes parmi ses préférés, dont La Ballade des pendus de Villon et Tristesse de Musset. En mode parlé-chanté sur des parties musicales très originales, dans la veine d’une électro-pop fureteuse, ces cinq sacrilèges – courts mais intenses – traduisent un net dépouillement et exposent l’oreille à de délicieux sortilèges.

L’évolution se confirme et s’amplifie avec son nouvel album, au titre idoine : Chrysalide. Tel un papillon déployant ses ailes, Arlette semble s’épanouir totalement comme auteur-compositeur-interprète au fil de neuf superbes morceaux lettrés et délurés, épurés et inspirés – du miroitant « Lapis Lazuli » au tourneboulant « Le Cafard et les sashimis » en passant par le rebondissant « Dis donc, Énée » et le gourmand « Croque Odile ». Dans la lignée de Gainsbourg, Katerine (en moins cabot), Jean-Louis Murat (en plus folâtre) ou encore Dashiell Hedayat (auteur de l’album culte Obsolete, 1971), il s’affirme, loin d’un barde bidon, un drôlement doué dandy badin.

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Musique
Temps de lecture : 2 minutes