Le faux testament de Mélenchon

Dans Faites mieux !, le chef de file des insoumis, plus écolo que jamais, propose sa grille d’analyse pour inciter à agir contre un ordre du monde injuste et destructeur.

Michel Soudais  • 4 octobre 2023 abonné·es
Le faux testament de Mélenchon
Jean-Luc Mélenchon à la Fête de l'Humanité, le 15 septembre 2023.
© Michel Soudais

Acteur politique de premier plan, Jean-Luc Mélenchon est aussi un auteur prolifique. Depuis 1991, il a signé plus d’une vingtaine d’ouvrages, dont seulement trois livres d’entretien, qui sont comme autant d’étapes dans son évolution politique. Son nouvel essai, qui reprend en titre les mots par lesquels il a conclu sa dernière campagne présidentielle, « Faites mieux ! », peut sembler sonner comme un testament politique. Si, dans son introduction, il confie (au passé) avoir « aimé » jouer le « rôle de passeur » auprès des plus jeunes, « la nostalgie s’est effacée » dans l’exercice et « le passé est devenu une provision pour la route plutôt qu’une usure ». Ce dont les plus de trois cents pages suivantes nous convainquent aisément.

Faites mieux ! Vers la Révolution citoyenne, Jean-Luc Mélenchon, Robert Laffont, 352 pages, 20 euros.

« En retrait mais pas en retraite », comme il le précisait l’an dernier après avoir renoncé à tout mandat électif, le triple candidat à la présidentielle y livre – avec sa théorie de l’ère du peuple et de la révolution citoyenne – une « proposition de décryptage global » très dense qui « n’a pas d’autre ambition » que d’« aider à penser pour agir ». Ce qu’il n’exclut nullement pour lui-même.

Jean-Luc Mélenchon y dresse un tableau des évolutions toujours plus rapides de notre monde, décrit comme un écosystème, et le seul qui convienne à l’espèce humaine. L’accélération de la croissance démographique, les bouleversements de notre espace-temps tout entier organisé par et autour du capitalisme, le changement climatique et l’incertitude dans laquelle il nous met, la culture cumulative (ou noosphère) inédite que ces mutations induisent, notamment dans le cyberespace avec l’irruption de l’intelligence artificielle, en constituent la toile de fond, préoccupante et mortifère.

Raisons d’agir et nouveaux droits

L’insoumis en chef pointe toutefois dans chacun de ces phénomènes des raisons d’agir et des corrections possibles. Il voit par exemple dans l’intelligence artificielle notre possible « alliée pour affronter les nombreux défis écologiques du présent et de l’avenir » à condition de « la libérer […] de la règle absurde de la propriété privée intellectuelle des marchands de savoirs ».

Les lecteurs de ses précédents essais y retrouveront une dénonciation du « libéralisme économique [qui] n’accroît pas la liberté » mais « la réduit obligatoirement », tendance que négligent la social-démocratie et « la vieille écologie ». Du capitalisme également, dont l’expansion et le productivisme menacent notre survie. Cette préoccupation écologique, qu’il érige en « intérêt général humain » depuis quinze ans, s’enrichit de nouveaux droits : à la nuit et aux étoiles, au silence, à l’air pur, à l’eau potable et à l’alimentation.

Ses développements sur l’importance des villes et des réseaux dans la conscientisation politique, sur l’irruption des gilets jaunes, le mouvement contre la réforme des retraites et la révolte des quartiers qui annonceraient la « révolution citoyenne », ou son plaidoyer pour une « diplomatie altermondialiste », susciteront inévitablement des controverses. Puissent-elles être à la hauteur de l’argumentation déployée ici.

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