« Retour à Séoul » : une femme actuelle

Davy Chou brosse le portrait d’une jeune fille ­partagée entre deux pays, indépendante et à la recherche d’elle-même.

Christophe Kantcheff  • 24 janvier 2023 abonné·es
« Retour à Séoul » : une femme actuelle
Freddie se cherche, entre deux pays, entre plusieurs hommes, face à divers choix de vie.
© Les Films du Losange.

Retour à Séoul /Davy Chou / 1 h 49

C’est un cliché de le dire : la question de l’identité est aujourd’hui centrale. Plus que centrale : obsessionnelle. C’est pourquoi le début de Retour à Séoul nous ravit. Alors qu’il s’agit de son pays natal, où elle a été abandonnée par sa famille avant de le quitter très tôt, parce qu’adoptée par des Français, Freddie (Park Ji-min), une jeune femme de 25 ans, arrive en Corée du Sud un peu par hasard. Elle devait se rendre en vacances au Japon ; un problème à l’aéroport a rendu cette destination impossible. Freddie s’est rabattue sur la Corée.

On apprendra plus tard qu’elle avait bien le projet de s’y rendre un jour. Sans urgence. Peut-être même redoutait-elle le voyage. Pour autant, ce qui la motive n’est pas une soif des origines. C’est bien plus profond que cela : des douleurs et des interrogations (« Est-ce que ma mère pense à moi le jour de mon anniversaire ? »), un besoin d’explications et la curiosité de voir quelle place ce pays peut lui réserver.

Incompréhensions

Davy Chou, né en France et dont les origines cambodgiennes ont marqué ses précédents longs-métrages, s’est inspiré de l’histoire d’une amie pour ce film-ci. Peut-être aussi de sa personnalité. Quoi qu’il en soit, Retour à Séoul n’est surtout pas une œuvre émolliente. Notamment parce que Freddie a un fort caractère, fantasque à certains moments, avec une vraie dureté parfois, toujours irréductible.

Ses parents biologiques sont séparés : c’est dans la famille de son père (Oh Kwang-rok) qu’elle se rend en premier lieu – car, tout de même, elle cherche à rencontrer ses géniteurs. Des scènes où les sentiments sont heurtés, les souhaits non convergents, les incompréhensions multiples. La famille coréenne déborde de sentiment de culpabilité et de volonté de rachat. Freddie reste sur la défensive.

Le cinéaste ne cède rien au sentimentalisme – la rencontre entre Freddie et sa mère biologique en est d’autant plus émouvante. Il ne regarde pas non plus son personnage du seul point de vue de l’abandon et des retrouvailles.

Davy Chou saisit la jeune femme dans sa totalité : son désir d’indépendance, sa liberté sexuelle et sa désinvolture vis-à-vis de ses amants, son refus de toute compromission, le tout sous le choc émotionnel que suscite son retour à Séoul. Freddie se cherche, entre deux pays, entre plusieurs hommes, face à divers choix de vie.

Voilà un superbe portrait de jeune femme d’aujourd’hui, aux identités plurielles (et non assignée à une seule), incarnée par une comédienne remarquable, Park Ji-min. Une franche réussite.

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Cinéma
Temps de lecture : 2 minutes